Vidéo-protection : efficacité non prouvée, coût très élevé pour la commune

 

Cameras

 

"En l’espace d’une dizaine d’années, les caméras de surveillance qui étaient principalement utilisées dans des espaces privés (banques, résidences privées, centres commerciaux) le sont aujourd’hui aussi dans nombre d’espaces publics.

 

 

Portée par un marché de la sécurité florissant et valorisée par des politiques d’Etat incitatives en Angleterre au début des années 1990 et, plus récemment en France, cette technologie s’est en effet progressivement imposée comme un moyen incontournable pour assurer la sécurité dans les villes (rues, places publiques, squares). Elle séduit nombre de maires qui en font un élément central de leur stratégie municipale de lutte contre l’insécurité."
(Tanguy Le Goff, vidéosurveillance et espaces publics, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-de-France, 2008)
Alors que le terme de vidéosurveillance est entré en usage en 1981, plus moderne que celui de télésurveillance utilisé depuis 1968, le vocable de vidéo-protection a surgi ces dernières années et a été acté par la loi (Loi n°2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure).

Un dispositif dont l'efficacité n'est pas ou peu évaluée

Depuis quelques années, les chercheurs tentent d’alerter l’opinion quant à la difficulté d’évaluer l’efficacité de la vidéo-protection. Le sociologue Tanguy Le Goff rappelle que deux paramètres restent des plus flous en France, les coûts réels du dispositif et l’efficacité sur le terrain.
Au titre de la prévention, les caméras n’empêchent pas le passage à l’acte. La baisse est nulle sur les atteintes aux personnes, qui relèvent plutôt d’actes impulsifs, sans rationalisation. Pour ce qui est des actes de délinquance, la baisse est faible car les délinquants continuent d’opérer mais en modifiant leur comportement. Enfin concernant l’élucidation des délits, la vidéo-protection peut rendre un service non négligeable aux enquêteurs de police judiciaire mais dans un nombre limité de cas.
A Lyon, la ville a évalué l'efficacité du dispositif en comparant 57 zones, surveillées et non-surveillées. Dans les premières, la délinquance a diminué de 23,5% en trois ans. Dans les secondes, de 21,9%. La différence n’est donc pas significative. Et parmi les délits élucidés, une quantité négligeable l’a été grâce à l’usage de caméras.
Au final, la vidéo-protection n’est pas fondamentalement une technique de lutte contre la délinquance. Par contre, comme il est écrit dans le rapport de l’Institut National des Hautes Etudes sur la Sécurité et la Justice (INHESJ) : "Si les effets de la vidéo-protection ne sont pas toujours mesurables en termes de baisse de la délinquance, le sentiment d’insécurité est toujours favorablement impacté".
Et en effet, partout en France la vidéo-protection de la voie publique se développe. Deux raisons : la première est le mythe que la vidéo-protection garante de la sécurité, est devenu, entre 2007 et 2012, la norme du discours gouvernemental. La seconde raison est l’importance de l’activité de lobbying développée par les industriels du secteur qui ont vu dans cette politique d’État une véritable aubaine.
Dans un entretien au Nouvel Observateur en août 2007, Sebastian Roché, sociologue, tenait déjà ces propos : "Je pense que les raisons du développement de la vidéosurveillance dans le pays ne sont pas liées aux résultats obtenus. C'est regrettable car on est en train de développer un système sans avoir de preuve de son efficacité.(…) En France, l'Etat fait payer aux collectivités territoriales et aux sociétés de transport le coût et la maintenance de l'équipement. Ensuite, les forces de l'ordre demandent les images aux gestionnaires du système. Si la vidéosurveillance est si importante, pourquoi l'Etat ne s'en charge-t-il pas ?
Cela explique l'effet pervers de la surveillance vidéo : les utilisateurs des images (la police), n'en payent pas le coût. Ils sont tentés d'utiliser beaucoup plus cette ressource faisant alors grimper le prix pour les collectivités."

Un dispositif dont le coût est élevé

Car la vidéo-protection coûte cher… Le coût moyen global d’installation d’une caméra est estimé par les spécialistes entre 15 000 € et 20 000 €. Le coût d’exploitation (avec la maintenance technique et la rémunération du personnel) est différent suivant les types d’installation mais en moyenne, la vidéosurveillance coûterait aux alentours de 8 000 € par caméra et par an.
Ces systèmes de vidéo-protection de lieux publics représentent donc d’importantes dépenses : achat des caméras de sécurité, installation (qui doit se faire dans le respect des normes légales), agents pour visionner les images enregistrées, personnel qualifié pour l’entretien et la maintenance technique du dispositif.

La vidéo-protection à Meylan

L’examen des statistiques des faits de délinquance à Meylan sur les six premiers mois (janvier à juin) des trois années 2012-2013-2014 montre :

  • peu d’évolution en ce qui concerne les atteintes à l’intégrité physique des personnes (une trentaine de faits par an)

  • une nette diminution des atteintes aux biens entre 2012 et 2013, avec une relative stabilité en 2014 (334 en 2014). En moyenne: vols dans les villas : 100, commerces : 30 à 50, véhicules : 200.

Madame Le Maire a annoncé en juillet 2014 la création d’un groupe de travail au CLSPD (Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance) sur la vidéo-protection de voie publique à Meylan avec pour objectif affiché la préservation de la tranquillité publique et la réduction des faits de délinquance, la vidéo-protection étant identifiée comme un outil supplémentaire d’aide à la sécurité publique. Des zones "sensibles" ont été identifiées (environ une quinzaine) où seront installées les caméras, mais les choix techniques concernant la transmission, le stockage et l’exploitation des images ne sont pas arrêtés. La mise en place des premières caméras est attendue pour 2015. L’appel d’offre que vient de lancer la mairie pour l’installation d’une vidéo-protection et maintenance associées fait état de deux enveloppes sur 4 ans de 213 000 € et 413 000 €.
Les caméras couplées aux dispositifs existants (police municipale, gendarmerie, médiation de nuit pendant les mois d’été, médiation sociale, éducateurs de rue) amélioreront-elles vraiment la sécurité publique ?
Pas sûr… mais ce qui est sûr c’est que ce dispositif coûtera très cher à notre commune pour une efficacité relative d'autant qu'il n’y aura pas d’opérateur en permanence devant les écrans pour permettre d’agir en temps réel pour des raisons de coût.

L'avis de MeyDIA

A MeyDIA, la mise en place d’un dispositif de vidéo-protection généralisé tel qu’envisagé ne nous semble ni utile, ni efficace. Cette décision est à mettre en parallèle avec le démantèlement de la police municipale passée de 13 à 7 agents pendant les deux mandats de Madame Tardy.
D’autres choix seraient plus raisonnables. Ils passent par l’information des citoyens, l’éducation et l’apprentissage des règles de vie en société, l’action en matière sanitaire et sociale de lutte contre les drogues et la toxicomanie et l’action sociale en faveur des familles. Les actions initiées dans le cadre du CLSPD telles que les chantiers insertion jeunes, les actions de sensibilisations et de prévention des consommations d’alcool et des conduites à risque, la médiation sociale de proximité, l’accompagnement des travaux d’intérêt général, la médiation scolaire, la prévention du décrochage scolaire doivent être soutenues et généralisées. Dommage que Madame Tardy n’ait pas jugé utile de donner suite à la proposition du CLSPD de créer un lieu d’écoute et de soutien aux familles pour les questions éducatives et parentales…

A propos de la tranquillité publique…
A l’origine, la tranquillité publique est une notion religieuse, qui dans les textes du 16ème siècle, définit le "repos public" des "cytadins croyants" du royaume de France.
Au fil des siècles, cette notion évolue et aujourd’hui la tranquillité publique est du ressort de la police municipale qui a "le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique".
(Article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales)
On voit bien la difficulté à qualifier les faits : des jeunes regroupés sur des bancs qui discutent sous vos fenêtres en rigolant et en chahutant par une belle nuit d’été : où commence le trouble à la tranquillité publique ?